2-54. Arnold Sommerfeld

Arnold Sommerfeld (1868–1951) a fait ses études entre 1886 et 1891 à l’Université de Königsberg, où il a suivi les cours de Adolf Hurwitz, David Hilbert, Ferdinand Lindemann, Emil Weichert, et Paul Volkmann. Il soutint sa thèse en physique mathématique en 1891, fit son service militaire en 1892, et devint l’assistant de Theodor Liebisch à l’Institut minéralogique de Göttingen en 1893. L’année suivante, Woldemar Voigt lui a offert une place d’assistant à l’Institut de physique, mais Sommerfeld a préféré devenir l’assistant de Félix Klein. Sommerfeld passa son habilitation en 1895 avec un traitement exact des problèmes de diffraction (1896), qui se sert de la méthode de Poincaré (1892a).11 1 Poincaré (1897) compare ses résultats avec ceux de Sommerfeld; voir aussi sa liste de contributions “nobelisables” (§ 2-62-19). En 1897 il a succédé à Wilhelm Wien comme professeur de mathématiques à École des mines de Clausthal, et a succédé encore à Wien en 1900 comme professeur de mécanique à la Technische Hochschule d’Aix-la-Chapelle. Avec le soutien de H. A. Lorentz, Sommerfeld devint professeur de physique théorique à l’Université de Munich, où il a formé des théoriciens de grand talent, dont P. P. Ewald, Wolfgang Pauli, Werner Heisenberg, et Hans Bethe.22 2 Sur les débuts de “l’École de Sommerfeld,” voir Eckert (1999), ainsi que la correspondance de Sommerfeld, publié par Eckert et Märker (2001). A propos de la carrière de Sommerfeld, voir sa correspondance, Forman & Hermann (1975), Benz (1975), et Eckert et al. (1984).

La seule lettre retrouvée de la correspondance entre Poincaré et Sommerfeld concerne une erreur mathématique dans la thèse d’un étudiant américain, Herman W. March.33 3 Herman William March (1878–1953) fut inscrit à l’Université de Munich pendant quatre semestres, et soutint sa thèse (1911b) le 17.07.1911 (Jahres-Verzeichnis der an den Deutschen Universitäten erscheinenen Schriften 27, 1911, 651). Des extraits furent publiés l’année suivante (1911a, 1912). March a intégré alors le département de mathématiques à l’Université de Wisconsin.

En 1892, Poincaré (1892a), après s’être intéressé aux expériences de Georges Gouy dans son cours à la Sorbonne (Poincaré 1892b, 223–226), a trouvé une solution asymptotique au cas de la diffraction par un écran en forme de biseau. Comme l’a remarqué Sommerfeld dans son mémoire d’habilitation (Sommerfeld 1896) sur la théorie mathématique de la diffraction, ce travail de Poincaré (tout comme son propre mémoire) se distingue des anciennes approches de A. Fresnel et de G. Kirchhoff en ce qu’il abandonne la contrainte aux petites longueurs d’onde. Poincaré (1897), pour sa part, a trouvé la méthode de Sommerfeld “extrêmement ingénieuse,” et y a consacré une partie de son cours d’élasticité et optique en 1896.44 4 Notes de Paul Langevin, fonds Langevin, boîte 123, bibliothèque de l’École supérieure de physique et de chimie industrielle.

Lorsque Marconi a démontré la possibilité de la communication intercontinentale par la télégraphie sans fil à la fin de 1901, un théoricien de l’Université de Cambridge, H.M. Macdonald (1903) a tenté d’expliquer cet exploit par le calcul, en cherchant une solution aux équations de Maxwell en coordonnées sphériques. Quatre mois plus tard, Poincaré y a réagi (1903), en critiquant une approximation faite par Macdonald, dont la conséquence est l’absence d’ombre sur la surface de la terre.55 5 Une remarque semblable à celle de Poincaré a été faite par J. W. Strutt (Yeang 2003, 376). Poincaré aborda ce sujet de nouveau lors d’une conférence prononcée à Göttingen le 24.04.1909 à l’invitation de la Commission Wolfskehl. Sommerfeld venait de publier une nouvelle théorie de la propagation des ondes hertziennes, dans laquelle il se servait de la méthode développée dans son Habilitationsschrift (Sommerfeld 1896), et d’une remarque de Zenneck, selon laquelle la propagation des ondes est une fonction non seulement de la courbure du globe terrestre, mais aussi de la conductivité du sol (Zenneck 1907). Laissant de coté la courbure du globe, Sommerfeld a étudié le cas de la diffraction des ondes hertziennes sur un conducteur plan en utilisant une expansion intégrale avec des fonctions de Bessel d’ordre 0 (Sommerfeld 1909).

Poincaré n’a pas mentionné ces contributions à Göttingen, où son analyse l’a fait conclure, tout comme Macdonald en 1903, que la télégraphie sans fil intercontinentale est possible (1910a). Mais quelques temps après sa conférence, Poincaré s’est rendu compte d’une erreur d’analyse, qui l’a obligé à revoir sa conclusion : en effet, selon ses calculs, Marconi aurait fait l’impossible.66 6 Voir la note rajoutée à la fin de la conférence intitulée “Anwendung der Integralgleichungen auf Hertzsche Wellen” (Poincaré 1910a, 31). Ce résultat a été confirmé par un autre mémoire publié aux Rendiconti di Palermo (Poincaré 1910b), ainsi qu’en (Poincaré 1910c). A propos des recherches de Poincaré sur la diffraction des ondes hertziennes, voir Petiau (1954, 217–219) et Yeang (2003). Sur les recherches de Sommerfeld, voir Kaiser and Eckert (2002). À propos des conférences Wolfskehl, voir l’échange entre David Hilbert et Poincaré, à partir du 06.11.1908, Gray (2013, 421ff), et Walter (2018). Son exploit fut reconnu à la fin de l’année 1909, lorsque le prix Nobel de physique fut décerné à Guglielmo Marconi et Ferdinand Braun pour leurs contributions au développement de la télégraphie sans fil.

Sommerfeld suivait ces développements avec attention. Il a donné à March pour sujet de thèse la recherche d’une solution par son approche intégrale du cas d’un conducteur sphérique. Quand les résultats de Marche n’ont pas coïncidé avec ceux de Poincaré, Sommerfeld a cherché sans succès la source de la discorde, et a fait appel aux lumières de Poincaré. Celui-ci a trouvé que l’intégration de la fonction de Hankel fut erronée, à cause d’une expansion asymptotique défectueuse. Poincaré a présenté son analyse à l’Académie des sciences le 25.03.1912, remarquant avec satisfaction la confirmation de son analyse par March, après correction de l’erreur de ce dernier.77 7 Poincaré (1912) a reconnu également que les mesures récentes par Louis W. Austin ne s’accordaient pas avec les prévisions de sa théorie, et par conséquent, “il y a quelque chose à trouver.”

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Références

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