3-31-21. Auguste Lebeuf to H. Poincaré
Montpellier, le 29 Août 1902
Université de Montpellier
Faculté des Sciences — Mathématiques
Monsieur et Cher Maître,
Je vous transmets, vus et vérifiés, les Mémoires insérés dans la Connaissance des Temps pour l’année 1829 : n° 66, 67, 68 et 68 bis.
n° 66 et 67 :
En 1825, Plana fit paraître au T. II des Mémoires de la Société Royale de Londres p. 325–412, sous le titre « Mémoires sur différents points relatifs à la Théorie des perturbations des planètes exposée dans la M. Céleste ».
Ce travail important avait pour but de compléter certains calculs ou de discuter quelques relations énoncées par Laplace. Dans les Mémoires 66 et 67 ce dernier justifie les résultats et les méthodes.
Voici une courte analyse et la correspondance qui existe entre les deux groupes de Mémoires.
Le Mémoire de Plana est divisé en 5 chapitres.
Le 1er Réflexions sur un passage qu l’on lit à la page 278 du 1er Volume de la M. Céleste (Œuvres p. 302 lignes 9–14) p. 326–351 est consacré à la discussion du choix des constantes à introduire dans le calcul des éléments elliptiques et se termine par l’examen des formules relatives au dernier satellite de Saturne. Laplace répond seulement à cette dernière partie de l’argumentation dans le § 1 du n°67 duquel je ne vois rien à redire.
Le Chapitre II
Rectifications des formules données dans la page 166 du 3e Volume (174 des Œuvres) de la M. Céleste pour estimer l’action des étoiles sur la variation séculaire des éléments du système solaire.
p. 351–358 reprend les formules du Chapitre XVIII, signalées d’ailleurs comme fautives. Dans le § III du n° 67 Laplace ne répond pas directement à Plana, il se contente de rectifier l’erreur matérielle
au lieu de
et ne considère que les variations , , , négligeant , , …qu’il avait calculés à l’origine et que Plana a déterminé dans le Ch. II.
Il me semble que les calculs de Laplace dans ce § III 67, C. des T. 249–251 sont eux-mêmes erronés dans les coefficients numériques. Je les ai refaits deux fois et les ai joints au Manuscrit. Je vous prierai de les contrôler et d’approuver les rectifications apportées au Mémoire. Il y a une simple erreur matérielle qui ne dénature point la pensée de Laplace et l’on peut substituer des nombres exacts aux siens sans note spéciale.
Le Chapitre III
Rectification de la formule donnée dans la page 31 du 3e Volume de la M. Céleste, (Œuvres, p. 31–33) pour calculer l’inégalité périodique de Mercure due à l’action de la Terre dépendante de l’argument ; étant le moyen mouvement de Mercure et celui de la Terre.
p. 358–368 contient les développements de cette inégalité en tenant compte des erreurs du 3e ordre qui s’abaisseront au 2e par dérivations. Laplace avait dit que cette considération importait peu (Œuvres, T. III, p. 33). Il justifie la méthode en quelques mots qui composent le § II du n°67, C. des T. p. 249.
Finalement, Plana après la mise en nombre avait reconnu, p. 368, que le coefficient de l’inégalité calculé par lui « diffère fort peu de celui qui est rapporté à la page 98 du 3e Volume (Œuvres, p. 103) ».
Le Chapitre IV (pour titre)
Rectification des résultats donnés dans les pages 130 et 140 du 3e Volume de la M. Céleste (Œuv., p. 136 & 147) pour avoir égard au carré de la forme perturbatrice dans le calcul du coefficient de la grande inégalité de Jupiter et Saturne.
p. 368–406. Laplace ayant appliqué au calcul de l’inégalité de Jupiter et Saturne la relation approchée (Œuvres, T. I, p. 360)
Plana veut mettre en évidence l’insuffisance de cette formule quand il s’agit du 2e ordre.
« J’ai en conséquence, dit-il, p. 370, examiné sévèrement le principe souvent employé par M. de Laplace (Voyez 1er Volume de la M. Céleste p. 333 (Œuv. p. 360)) qui lie les perturbations réciproques des moyens mouvements et de 2 planètes , par l’équation
et j’ai reconnu qu’il cessait d’être applicable aux termes de l’ordre du carré de la forme perturbatrice dont il est ici question … ».
Plana calcule donc individuellement les valeurs de l’inégalité pour chaque planète. Il obtient
et il constate que la relation simple de Laplace n’est pas satisfaite.
Dans le Mémoire 66, C. des T. p. 236–244, Laplace reprend les calculs et la méthode qui l’ont conduit à la formule précédente; il la retrouve un peu modifiée; il obtient en effet (Z) p. 242 C. des T.
En y substituant alors les valeurs , de Plana, il constate le désaccord et dit :
« Il me paraît donc que les valeurs de , déterminées par ce savant géomètre ont besoin de correction » p. 243 C. des T.
Or précisément les résultats numériques de Plana étaient entièrement erronés par suite d’un changement de ligne dans la fonction employée. Plana en fut averti par de Pontécoulant, lettre du 23 Mars 1829, p. 3–4 du Mémoire.
Note sur le calcul de la parité du coefficient de la grande inégalité de Jupiter et Saturne qui dépend du carré de la force perturbatrice, lue le 12 Avril 1829, Tomes XXXIV et XXXV des Mémoires de l’Académie de Turin, 1830–1831.
En dehors de la faute de signe énoncée plus haut, de Pontécoulant dit encore dans sa lettre « Il est résulté de cet examen qu’il m’est démontré que quelques inexactitudes se sont glissées dans vos opérations numériques ». Je n’ai pas refait tous les calculs numériques de Plana comme de Pontécoulant, mais voici ce que j’avais trouvé:
Dans la Connaissance des Temps p. 243, au lieu de
on a imprimé
en effectuant la multiplication par le facteur je ne pouvais obtenir
tel qu’on le trouve à la page 243 de Laplace ou dans Plana, page 397.11 1 Laplace (1826, 243); Secrétaires perpétuels (1904, 320). Le terme de Laplace qu’omet Lebeuf est .
C’est alors que j’ai prié M. [nom illisible] de me communiquer les mémoires de Plana.22 2 Le nom est illisible, mais il s’agit sans doute du bibliothèquaire de l’Observatoire de Paris mentionné par Lebeuf dans sa lettre du 06.08.1902 (§ 3-31-19). Je constatai l’erreur d’impression dans le Mémoire de Laplace et en même temps je trouvai que Plana avait écrit ",6998 au lieu de ",4702, et ",8932 au lieu de ",9229, de sorte que dans le Mémoire de Laplace il y aurait eu à rectifier chacun de ces coefficients ainsi que 10",555 provenant de 10",6998.
Ceci évidemment n’altérait pas les conclusions mais indiquait chez Plana des erreurs de calcul numérique dans des opérations extrêmement simples et pouvait faire concevoir des doutes pour les résultats d’opérations plus compliquées.
Dans une note que je vous prierai d’examiner et d’approuver s’il y a lieu, je donne les valeurs de et rectifiées par Plana lui même et je reprends le calcul de Laplace.33 3 La note de Lebeuf a été insérée dans les Œuvres de Laplace, Volume 13 (Secrétaires perpétuels 1904, 321–322). Le résultat vérifie cette fois, à peu près, la formule de Laplace et Plana dans le 2e Mémoire cité, reconnaît qu’elle est très approchée et il cherche à l’améliorer. Je pense que le lecteur qui s’intéressera à la question trouvera des renseignements suffisants dans la note annexée à la page 16 du Manuscrit. Je n’ai malheureusement pas entre les mains le Mémoire de Plana : Note sur un Mémoire de Laplace ayant pour titre Sur 2 grandes inégalités de Jupiter et de Saturne, Turin, Mémoires de l’Académie, T. XXXI, 1827, ni ceux de Poisson insérés dans la Connaissance des Temps de 1831 et 1832 et que je signale dans la note précitée. Toutefois j’ai pu en prendre communication par des analyses contenues dans le Bulletin du Baron de Férussac et par là j’ai pu croire qu’il y avait intérêt immédiat à les faire connaître au lecteur.44 4 André Étienne d’Audebert de Férussac (1786–1836) a fondé le Bulletin général et universel des annonces et des nouvelles scientifiques en 1823.
Ainsi Poisson défend les méthodes de Laplace et voici ce que dit Plana :
« De la je conclus que le rapport des deux perturbations et dépendantes du carré de la force perturbatrice est loin de pouvoir être exprimé par la formule très simple que M. Laplace donne dans la page 8 de son Mémoire (formule (Z)) et je pense qu’il est avantageux de calculer directement chacune de ces perturbations ainsi que je l’ai pratiqué dans mon Mémoire publié dans le 2e Volume de la Société Astronomique de Londres p. 369–406. Il est possible que mes résultats définitifs ne soient pas tout à fait exacts malgré les efforts que j’ai faits pour éviter les erreurs matérielles dans un calcul aussi pénible, mais il me paraît démontré que l’objection élevée par M. Laplace contre mes coefficients numériques ne repose pas sur une base assez solide pour porter les géomètres et les astronomes à les croire irrévocablement fautif … » (Férussac, Bulletin, Sect. 1, Tome 8, p. 240)
D’autres remarques suivent sur les Mémoires de Laplace 66 et 67, qui paraissent également très intéressantes. Toutes ses conclusions sont ensuite détruites par la découverte de de Pontécoulant et il est curieux de pouvoir faire le rapprochement des opinions successives de Plana.
Enfin, le Chapitre V p. 406–412 Réflexion sur le Supplément à la théorie de Jupiter et Saturne publié dans le 4e Volume de la M. Céleste p. 327–344 (Œuvres p. 328–345), n’a pas été commenté par Laplace.
nos68 68bis.
Sur les Mémoires 68, 68bis il n’y a rien de particulier à signaler les ayant déjà examinés à propos du Mémoire analogue contenu dans la Connaissance des Temps de 1812.
Je vous prie, Monsieur et bien cher Maître, d’excuser la longueur de mes explications et d’agréer le respectueux hommage des meilleurs sentiments de votre très humble et très obligé,
A. Lebeuf
ALS 11p. Collection particulière, Paris 75017.
Time-stamp: "13.04.2016 22:36"
Références
- Mémoire sur les deux grandes inégalités de Jupiter et de Saturne. Connaissance des temps 1829, pp. 236–244. External Links: Link Cited by: footnote 1.
- Œuvres complètes de Laplace, Volume 13. Gauthier-Villars, Paris. Cited by: footnote 1, footnote 3.