H. Poincaré: Rapport sur la thèse de Féraud

[Ca. 23 mars 1897]11 1 Le manuscrit porte une annotation de main inconnue: “23 mars 1897”.

Rapport sur la Thèse présentée par M. Féraud et ayant pour titre Sur la valeur approchée des coefficients d’ordre élevé dans les Développements en Séries.

Les recherches déjà nombreuses qui se rapportent au sujet traité par M. Féraud ont leur point de départ dans le célèbre mémoire de M. Darboux sur l’approximation des fonctions de très grands nombres. M. Flamme a appliqué ce procédé à la fonction perturbatrice.

Depuis que M. Poincaré a étendu la méthode au cas de deux variables, la question a encore été l’objet des travaux de MM Coculesco et Hamy.22 2 Nicolæ Coculesco (1866–1952) et Maurice Hamy (1861–1936).

Dans la première partie de son travail, M. Féraud, après avoir rappelé les principes fondamentaux de la méthode, montre comment on peut évaluer approximativement les coefficients d’une fonction f(z) ayant des singularités données ; ce procédé est connu mais l’auteur y introduit un perfectionnement en introduisant une fonction auxiliaire ϕ(t), et en fait une étude approfondie en l’appliquant à quelques cas nouveaux. Dans la seconde partie, l’auteur aborde l’étude, plus importante au point de vue de l’astronomie, des fonctions de deux variables.

Pour trouver le coëfficient du terme xmyn où :

m=ap+b,n=cp+d

a, b, c, d sont des entiers fixes et p un entier variable pouvant devenir très grand, M. Poincaré introduit une fonction auxiliaire Φ(z) qu’il exprime par une intégrale simple.

M. Féraud introduit une fonction tout à fait analogue mais il lui conserve la forme d’une intégrale double. Cette intégrale double se ramène immédiatement à une somme d’intégrales simples, par l’application de la méthode des résidus de Cauchy, généralisée par M. Poincaré dans son mémoire sur les résidus des intégrales doubles.

L’intégrale simple de M. Poincaré se trouve ainsi décomposée en une somme d’autres intégrales simples qui en sont comme les éléments, et on pourrait profiter de cette décomposition pour en alléger la discussion. C’est là le point le plus original de la thèse de M. Féraud. Pour bien faire saisir le caractère de sa méthode, il l’applique d’abord au cas simple d’une fonction rationnelle de deux variables. Ce cas est traité complètement.

Dans la troisième partie, M. Féraud applique sa méthode au développement de la fonction perturbatrice et il examine d’abord le cas où les deux orbites sont circulaires et l’inclinaison quelconque. Dans ce cas la fonction sous le signe d’intégrale double est encore algébrique en x et y mais elle n’est plus rationnelle ; le problème est donc un peu plus compliqué ; la discussion surtout présente des difficultés M. Féraud examine complètement par sa méthode les très nombreuses hypothèses qui peuvent se présenter, et retrouve par une voie nouvelle les résultats de M. Hamy.

Dans la quatrième partie, M. Féraud étudie le cas où l’inclinaison est nulle, une des orbites circulaire et l’autre elliptique. La fonction sous le signe est alors transcendante. L’auteur retrouve les résultats découverts par M. Hamy par une méthode différente et il traite d’ailleurs le cas où l’orbite elliptique enveloppe l’orbite circulaire, cas qui n’avait pas encore été étudié jusqu’ici.

Je signale également l’emploi que fait M. Féraud d’une fonction auxiliaire liée à sa fonction ϕ(t) par une relation simple et qui lui donne l’occasion de considérations ingénieuses.

En résumé, M. Féraud semble avoir perfectionné en plusieurs points importants une théorie difficile et avoir montré de remarquables qualités d’esprit. Nous estimons en conséquence qu’il y a lieu de l’autoriser à soutenir sa thèse.

Poincaré  F. Tisserand  Appell

Rapport sur la soutenance des thèses de M. Féraud

M. Féraud a montré, dans la soutenance de ses thèses, une grande netteté d’idées et une véritable intelligence mathématique. Il a exposé d’une façon des plus intéressantes les points originaux de sa thèse, particulièrement ceux qui se rapportent aux périodes des intégrales doubles.

Dans la deuxième thèse, il a fait preuve de connaissances approfondies sur la théorie des satellites de Jupiter, telle qu’elle résulte des travaux les plus récents.

Le Jury lui a conféré le grade de Docteur, avec la mention la plus élevée dont il dispose, la mention très honorable.

Paris le 29 mars 1897

P. Appell

ADS 5p. AJ/16/5536, Archives nationales françaises.

Time-stamp: "29.11.2017 15:34"