Anatole Poindron to H. Poincaré
Parmain ce 26 Décembre 1906 3 h 11 soir
Anatole Poindron
Agent Commercial du Gouvernement Canadien en France
Conseiller du Commerce Extérieur de la France
à Paris 101 rue Réaumur
à Parmain (Seine et Oise) Villa Arthabaska route de Valmondois
à Monsieur Henri Poincaré – Président de l’Académie des Sciences – 63 rue Claude Bernard – Paris
Monsieur le Président,
Entièrement sain de corps et d’esprit et en un état d’équilibre quasi parfait de mes facultés que j’ai pu parvenir à m’entraîner à réaliser j’ai cru quoique très peu savant avoir découvert en moi-même l’Éternelle Vérité. Je suis fini et elle est infinie. Je ne puis donc l’exprimer toute entière en une seule fois. Je m’y reprendrai donc à trois fois pour la révéler. Elle sera de plus en plus claire, brumeuse dans mon premier testament moral, plus limpide dans le second, éblouissante dans le troisième. Pythagore avait raison 1 et 3 sont les nombres générateurs et 3 est trois fois un, c’est à dire le créateur. Vous me comprendrez vaguement vous savant et vous absoudrez au nom de votre science mon actuelle obscurité. J’ai chargé ma femme Anna Lea Cremer ma moitié d’aller vous remettre demain 27 décembre 1906, 23 quai de Conti, à Paris dans votre cabinet Présidentiel de l’Académie des Sciences, mon premier testament moral, la première manifestation obscure encore de ma pensée. Elle arrivera dans votre cabinet après 2 heures 22 de l’après-midi et devra en être sortie avant 2 heures 40 du soir, obligatoirement. Elle sera accompagnée de quatre de mes amis qui viendront vous certifier avec elle que je ne suis pas, ni de naissance, ni d’habitude, ni d’esprit, égaré. Je nomme mes amis dans l’ordre alphabétique.
1° Josse Bernheim jeune Négociant en tableaux, 1 rue Scribe à Paris. Arbitre-expert près la Cour d’Appel, Conseiller du Commerce extérieur de la France, Secrétaire de la Conférence permanente du Commerce extérieur que nous avons récemment fondée ensemble, à ma suggestion, et qui vous certifiera que dans le domaine de l’Economie sociale, je ne suis nullement égaré, au contraire.
2° Mr. Eugène Bouvet. Représentant de Commerce, 4 ou 6 rue du Faubourg Poissonnière à Paris qui a contribué à mon mariage et qui en conséquence depuis quinze ans nous a toujours amicalement suivi de l’œil ma femme et moi et qui vous dira que dans dans mon entourage j’ai l’habitude de me conduire comme un homme parfaitement sain d’esprit.
M. Collin-Delanaud, Directeur de l’Office national du Commerce extérieur 3 rue Feydeau à Paris officier de la Légion d’Honneur, qui vous certifiera que dans le domaine des idées pratiques, sages et utilitaires, je ne suis nullement égaré, au contraire.
M. Georges Mauger, Chapelier 67 rue de Rennes à Paris qui me connaît depuis l’âge de onze ans ayant fait ses études avec moi au Collège de Soissons et m’ayant longuement suivi depuis qui vous dira que je me suis toujours montré raisonnable depuis l’âge de onze ans jusqu’à ce jour.
J’aurai donc, ce soir, à huit heures moins un quart vécu quarante cinq années, moins trois mois, et chaque mois qui va suivre, je vais compléter l’œuvre de mes premières quarante cinq années. Vous, pendant ce temps qui avez la science des nombres , calculez exactement l’angle que fait avec l’équateur la courbe passant exactement par Paris - Jérusalem et vraisemblablement Ceylan. Le zéro latitude est au bout à droite, le zéro longitude est au bout en haut. Paris est le point d’équilibre boréal. Je sais que je ne suis pas encore clair, mais le vois, calculez, j’éclaircirai, plus tard avant trois mois révolus.
Faites ce que je vous dis. Soyez demain à l’heure voulue dans votre cabinet présidentiel 23 quai de Conti pour recevoir ma femme et mes quatre amis. Ma femme vous remettra en leur présence mon premier testament. Prêtez-vous entièrement à tout ce qu’elle vous demandera en mon nom. Elle est dans l’Ordre, je l’ai mise dans l’Ordre; mettez-vous y vous-même dans l’ordre, avec elle et moi. Prêtez-vous donc à tout ce qu’elle vous demandera; faites-le comme elle saura vous le demander: n’y changer rien. Sinon vous bouleverseriez l’ordre. Vous tueriez elle et moi, vous seriez Judas. Or l’ordre veut qu’il n’y ait plus de Judas, c’est à vous qu’il appartient de racheter le monde du crime de Judas, et si vous le faites, avant trois mois révolus, vous tout le premier et le monde entier après vous, recevrez le moyen, saurez parler la langue, et aurez conçu la Vérité. Faites, car je ne puis aller à vous, ni aujourd’hui ni demain, ni avant huit heures le 26 mars 1907 au soir mais vous pouvez venir à moi si vous le désirez.
Et je signe A. Poindron, 26 Décembre 1906 3 h 48 soir.11 1 Le manuscrit s’accompagne d’une attestation : Je puis certifier que M. Poindron est actuellement en état de parfait équilibre physique, cependant un traitement par de la tisane de Valériane et sirop calmant s’impose. Parmain le 25 décembre 1906 (ère vulgaire) 5 H 5 du soir. Dr. [illegible]
ALS 3p. Collection particulière, 75017 Paris.
Last edit: 28.09.2014