Raymond Poincaré to H. Poincaré
[Sans date, 1907]
Mon cher Henri,
Je suis bien embarrassé pour te donner un conseil. J’étais resté dans la conviction que, comme tu me l’avais dit il y a quelques mois, tu maintiendrais ta candidature sur le fauteuil Berthelot et n’en changerais pas. Il est malheureusement certain que tes chances sont devenues très faibles par rapport à celles de Charmes, mais il me paraît incompréhensible que les gens qui le flattent de vouloir le faire passer ne conseillent pas plutôt à Charmes de se présenter sur l’autre fauteuil. Ce serait une combinaison beaucoup plus logique et, du moment où on ne la propose pas, je redoute de nouveaux [mot ill.]. Je t’engage très vivement à ne pas prendre de parti avant d’avoir bien tâté le terrain. L’élection n’a lieu que dans trois mois. Tu as le temps de te décider. Si tu te portes sur le fauteuil de S. P. et que tu ne passes pas, ce sera un double échec, qui pourrait être [mot ill.]. Consulte donc de plusieurs côtés avant de rien faire d’irréparable. Et surtout ne prends pas sur des promesses sur des mots de politesse. Deschanel, dont tu me parles, est venu dimanche m’engager très [nettement?] à me présenter sur le fauteuil de S. P. Je lui ai répondu qu’il me semblait difficile que deux P. puissent candidater ensemble, même sur deux fauteuils. Il a répliqué que l’objection ne le touchait pas. Malgré son avis et quelques autres, je m’étais dit que je m’abstiendrais. Mais à cause d’Émile. Le soir où nous avons dîné chez toi, Aline m’avait laissé l’impression qu’Émile songeait au fauteuil de S. P. et d’ailleurs plusieurs académiciens m’ont répété son nom avec insistance. Je viens de voir Émile et Aline. Ils ne forment plus de voeux que pour toi, du moment où tu songes [mot ill.]. mais ils sont, comme moi, d’avis que tu feras bien de ne rien précipiter. Si tu le désires, je me renseignerai de mon côté. Mais, en tout cas, tu ferais bien de voir Boissier, Lavisse, Mézières et quelques autres. Je cite Mézières parce que, paraît-il Gebhart a invoqué un [mot ill.] auprès d’Émile.
La conversation avec Picquart ne m’a qu’à demi rassuré. Mais, là aussi, peut-être vaut-il mieux ne rien faire trop vite.
Nous vous embrassons tous de coeur.
Raymond
ALS, 2p. Collection particulière, 75017 Paris.
Last edit: 28.09.2014