1-1-89. Gösta Mittag-Leffler to H. Poincaré
Hjo 16/7 188911 1 Cette lettre est recopiée par un copiste. Outre l’original, on dispose du brouillon (Brefkoncept 1331).
Mon cher ami,
Monsieur Phragmén vient de fixer mon attention sur quelques passages de votre mémoire sur le problème des trois corps qui lui ont paru un peu obscurs et qu’il a jugés dignes de vous être signalés. La plupart des fois la difficulté n’est qu’apparente, et on peut la faire disparaître presque immédiatement, / mais il me semble qu’il y a une difficulté réelle au dernier endroit signalé par M. Phragmén. Voici l’énumération des passages en question :
Page 82 “Nous allons maintenant chercher à développer , et , non pas suivant les puissances croissantes de , mais suivant les puissances de , etc.”
et Page 85 : Nous pouvons donc énoncer le résultat suivant : Les exposants caractéristiques sont développables suivant les puissances croissantes de .22 2 Dans le mémoire original (IML), Poincaré passe sans démonstration, du passage cité dans la lettre de Mittag-Leffler (Mémoire original, p. 82 ; 1952, 360) à “Nous avons ” (1952, 364). Il considérait implicitement que les coefficients caractéristiques sont développables par rapport à et qu’il suffisait donc de calculer les coefficients des développements de S et T. Comme Anderson le signale (1994), Poincaré répondra cette question en rédigeant la note H, intitulée Sur les exposants caractéristiques (Mémoire original, IML, pp. 249–251). Dans la version définitive, Poincaré ajoute la démonstration de la possibilité de développer les coefficients caractéristiques par rapport à (1952, 360–364, de “Je me propose d’abord d’établir que ce développement est possible.” à “[… ], nous allons chercher à en déterminer les coefficients”. Il utilise pour cela la définition des coefficients caractéristiques qu’il donne précédemment (Mémoire originql, p. 58–65 ; 1952, 338–343). Cette démonstration utilise certes des techniques habituelles, mais cette propriété ne peut être qualifiée, comme Mittag-Leffler semble le faire, de corollaire facile des définitions. / Il me parait que vous n’avez peut-être pas assez appuyé sur la démonstration de ce fait, qu’on pourrait il est vrai facilement tirer des raisonnements de la page 62.
Page 92. “c’est à dire si le polygone convexe qui contient les points représentatifs des , de et de ne contient pas l’origine.” Ce polygone ayant nécessairement l’origine du moins à sa limite, ne serait-il pas préférable d’introduire deux polygones convexes, dont l’un contiendrait les points représentatifs des et de +, et l’autre ceux des et / de .33 3 Poincaré reprend à son compte cette suggestion dès le mémoire original: [… ] c’est à dire si aucun des deux polygones convexes qui enveloppe, le premier les et , le second les et , ne contient pas l’origine. (Mémoire original, IML, p. 92 ; 1952, 374)
/Page 111. Les formules de changement des variables doivent être incorrectement écrites.44 4 Dans les deux mémoires imprimés, les formules de changement de variables qui permettent de représenter un état du système par un point de l’espace (à trois dimensions) situé entre deux tores sont correctement écrites (Mémoire original, IML, p. 111 ; 1952, 407, p. 407). Elles ont donc, si la remarque de Mittag-Leffler et Phragmén est pertinente, été corrigées lors de la correction des épreuves.
Page 114. “Nous supposerons que et sont développés selon les puissances de et nous écrirons :
Comment peut-on savoir que ces développements sont possibles ? En effet, il semble que, dans les solutions asymptotiques (page 91, 92) s’introduit aux dénominateurs par suite de ceux des diviseurs
où est / nul, et il n’est pas très facile de voir comment on
pourrait s’en délivrer.55
5
Poincaré considère ces
séries pour étudier les équations des surfaces asymptotiques.
Dans le mémoire original, il est bien conscient de la difficulté
puisqu’il conclut le paragraphe intitulé Equations des
surfaces asymptotiques (p. 112-122) par une série de
questions concernant la légitimité des calculs formels qu’il
vient de développer dont celle de la convergence des séries
utilisées:
On pourra donc par la méthode que je viens d’exposer calculer par
récurrence et , et , … , et
, … ; mais il reste plusieurs points à discuter: 1°. Dans
quels cas les séries ainsi obtenues sont-elles convergentes ?
C’est à cette discussion que nous consacrerons les paragraphes
suivants. (p. 122)
Poincaré étudie la construction des surfaces asymptotiques
dans les deux paragraphes suivants. Dans le premier, il néglige
dans les développements les termes d’ordre supérieur à
et discute les équations des surfaces asymptotiques en
première approximation. Dans le second, intitulé Construction
exacte des surfaces asymptotiques (pp. 135-144), il reprend
les séries obtenues précédemment et obtient:
Ainsi, si l’on choisit convenablement les constantes d’intégration,
les séries convergent pour les petites valeurs de et nous
fournissent alors les équations des surfaces asymptotiques.
(p. 143)
Ce résultat lui permet de conclure immédiatement que
les surfaces asymptotiques sont fermées.
Comme Andersson (1994) le signale, Poincaré répond aux objections
de Phragmén en rédigeant une dernière note, intitulée Sur
les solutions asymptotiques (Première impression du mémoire,
IML, pp. 251–256), dans laquelle
il montre en particulier “par quel mécanisme ces puissances
négatives de disparaissent dans les développements des
solutions asymptotiques”
(p. 253 ; 1952, 380).
La question de la convergence des développements des solutions
asymptotiques est essentielle pour la compréhension de l’erreur
de Poincaré (voir § 90,
note LABEL:fn:mittag-leffler90-pelsd).
Je vous serais, mon cher ami, très reconnaissant de vouloir bien m’expliquer comment on peut tourner cette dernière difficulté.66 6 [Je vous prie de vous adresser à M. Phragmén, si vous désirez introduire quelques changements au texte du mémoire par suite de ces remarques.] rayé dans le brouillon.
Si vous jugez bien de faire quelques changements au texte du mémoire par suite des autres observations que je me suis permis de vous adresser, veuillez en informer directement M. Phragmén je vous en prie.
Aurai-je le plaisir de vous voir / cet été en Suède. Je reste ici jusque vers le 15 Septembre. Après, je serais à Stockholm.
Madame Mittag-Leffler et moi nous vous prions de vouloir bien nous rappeler au bon souvenir de Madame Poincaré.
Votre ami très dévoué,
Mittag-Leffler
ALS 6p. Mittag-Leffler Archives, Djursholm.
Time-stamp: "19.03.2015 01:53"
Références
- Poincaré’s discovery of homoclinic points. Archive for History of Exact Sciences 48 (2), pp. 133–147. Cited by: footnote 2, footnote 5.
- Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 7. Gauthier-Villars, Paris. External Links: Link Cited by: footnote 2, footnote 3, footnote 4, footnote 5.