1-1-88. Gösta Mittag-Leffler to H. Poincaré
Stockholm 7/4 188911 1 Outre l’original, on dispose du brouillon (Brefkoncept 1265).
Mon cher ami,
Merci de votre lettre qui m’est arrivée hier. Le roi est absent
de Stockholm maintenant et je ne serai reçu de lui avant Mardi
le 16. J’aurais donc le temps de recevoir encore une communication
de vous. Je vous prie de vouloir bien m’envoyer une enveloppe
pour la lettre portant l’adresse A Sa Majesté le roi Oscar
II. Je vous prie de même de vouloir bien m’acheter le numéro
du journal de Débats pour le 28 Mars.22
2
Dans la livraison
du Journal des Débats du jeudi 28 mars 1889, un compte-rendu
de la dernière réunion du Conseil général des Facultés
signale la lettre de félicitations adressée à Poincaré
et Appell pour leurs mémoires primés :
Conseil Général des Facultés
Le procès-verbal de la dernière réunion du Conseil général
des Facultés fait mention des félicitations adressées à
MM. Poincaré et Appell pour les hautes récompenses qui leur
ont été accordées dans le concours ouvert entre tous les
géomètres de l’Europe par S. M. le roi de Suède et de Norvège,
à l’occasion du soixantième anniversaire de sa naissance.
Un membre du Conseil, M. Darboux, de l’Institut, professeur à
la Faculté des Sciences, a fourni sur les Mémoires de MM. Poincaré
et Appell des renseignements que nous sommes heureux de reproduire.
“On sait déterminer”, a dit M. Darboux, “le mouvement que prennent
deux corps sous l’influence de leur attraction mutuelle ; mais,
malgré des recherches qui n’ont pas été interrompues depuis
Newton, les géomètres n’ont pu réussir à déterminer
d’une manière exacte et précise les mouvements de trois ou
de plusieurs corps qui s’attirent suivant la loi de gravitation
universelle. Si les astronomes ont pu construire des tables des
mouvements des corps célestes, cela tient à certaines conditions
exceptionnelles qui se trouvent réalisées dans le système
du monde ; et encore doit-on avouer que l’on n’est pas parvenu
jusqu’ici à donner une théorie pleinement satisfaisante du
mouvement de la lune. Les efforts des géomètres de ce siècle
n’avaient rien ajouté d’essentiel aux résultats qui nous
avaient été transmis sur ce sujet dans un des plus importants
Mémoires de Lagrange. On comprend donc combien il est intéressant
de voir un problème si compliqué et si difficile traité
par des méthodes absolument nouvelles, dont la première application
a déjà donné à M. Poincaré des propositions de la plus
haute portée. Le mémoire de M. Poincaré sera prochainement
publié ; il traite surtout de cette belle question de la
Stabilité du système du monde, qui intéresse les philosophes
autant que les géomètres.
Il me serait plus difficile d’expliquer en quelques lignes le
sujet du Mémoire de M. Appell. Je me contenterai donc d’indiquer
que notre jeune collègue, en poursuivant les recherches qu’il
avait entreprises depuis longtemps, a eu la bonne fortune d’obtenir
des résultats qui frapperont vivement les hommes du métier
et susciteront bien des recherches nouvelles.
… ; mais la décision prise par la commission internationale
chargée de décerner le prix fondé par S. M. le roi de Suède
mérite d’être envisagée d’une manière toute spéciale,
comme une preuve nouvelle et décisive de la haute estime dans
laquelle les géomètres étrangers les plus illustres tiennent
les travaux de notre école française.”
Voici le texte de la lettre qui a été adressée à MM. Poincaré
et Appell par le bureau du conseil:
Paris, le 26 mars
Monsieur le Professeur,
Le Conseil général des Facultés de Paris, dans sa séance
mensuelle tenue hier lundi, 25 mars, a décidé que des félicitations
vous seraient adressées, au nom du corps des Facultés qu’il
représente, à l’occasion du succès que vous avez remporté
dans un concours entre tous les savants du monde. Ce succès
fait l’honneur de notre Université parisienne. Il rehausse
l’éclat de la renommée de notre école française de géométrie,
qui n’est point sans rivales à l’étranger, mais qui ne redoute
aucune comparaison.
Je suis fier, Monsieur le Professeur, d’être auprès de vous
l’interprète du Conseil général des Facultés. Je joins
aux félicitations que je suis chargé de vous transmettre,
l’assurance de ma haute considération et l’expression de ma
gratitude pour la gloire que vous venez d’ajouter à toutes
les gloires de notre vieille Sorbonne.
Le président du Conseil général — Signé : Gréard
Le secrétaire du Conseil général — Signé : E. Lavisse
(Journal des Débats, 28.03.1889)
Je le porterai chez le roi.
Je croyais vous avoir remercié de votre magnifique travail
“Théorie mathématique de la lumière” que vous avez trouvé
le temps de rédiger en étant occupé par vos profondes recherches dans
la mécanique céleste.33
3
Poincaré 1889.
Je ne
sais pas si vous avez remarqué que je n’ai rien à faire maintenant
avec la
Bibliotheca Mathematica
qui est éditée d’après un tout autre
plan que d’abord.44
4
Voir
§ 87,
notes.
C’est devenu[e] maintenant, à mon grand regret
du reste, un journal qui s’occupe exclusivement avec le soi-disant
histoire des mathématiques.55
5
La revue Bibliotheca
mathematica, livrée comme un supplément aux Acta mathematica,
était dirigée depuis sa création par Mittag-Leffler et
Eneström. A l’origine, c’était un simple bulletin bibliographique
comme l’indique l’en-tête du premier numéro:
La Bibliotheca Mathematica donnera, dans l’ordre alphabétique
des auteurs, une liste d’ouvrages, de mémoires et de notes
récemment publiés dans les mathématiques pures. [… ]
Le 24 janvier 1887, dans une lettre circulaire, Eneström
exprime son intention de modifier l’orientation de sa revue en
la consacrant essentiellement à l’histoire des mathématiques:
Le journal Bibliotheca Mathematica fondé en 1884 a contenu
jusqu’ici
1) des listes bibliographiques d’ouvrages récemment publiés
dans le domaine des mathématiques pures
2) des notes et des articles se rapportant à l’histoire des
mathématiques.
Cependant, les listes bibliographiques demandent un espace si
considérables que les notes historiques ont dû être restreintes
à quelques pages seulement dans chaque numéro du journal.
A partir de l’année 1887, la Bibliotheca mathematica sera
consacrée exclusivement à l’histoire des mathématiques
(et à la bibliographie au point de vue historique). Son but
sera de réunir un nombre aussi grand que possible d’auteurs
d’histoire des mathématiques pour contribuer par leur concours
au développement et aux progrès de cette science.
Le journal contiendra non seulement des notes originales mais
aussi des analyses et des listes bibliographiques de publications
récentes relatives à l’histoire des mathématiques, enfin
des questions et des réponses.
Plusieurs savants ayant déjà promis d’être collaborateurs,
je me permets de vous demander si vous voulez bien vous aussi,
me prêter votre concours pour réaliser aussi complètement
que possible le but de ce journal et en cas affirmatif si vous
voulez m’envoyer pour un des numéros de cette année quelque
note d’un intérêt plus général, ou bien quelque analyse
d’ouvrage historique récemment publié. [… ]
Mittag-Leffler aura le souci de séparer les deux revues
après le renvoi de Eneström, tout en laissant à ce dernier
la direction de Bibliotheca mathematica. De plus, malgré
son légitime ressentiment envers Eneström, il aura l’élégance
de ne rien faire qui puisse nuire à cette revue.
Quant à Bibliotheca mathematica, je ne veux empêcher
son succès d’aucune manière. Je crois que c’est une bonne
et estimable entreprise. (Mittag-Leffler à Hermann, 31.08.1888 – Brefkoncept 1038 – IML)
On n’y trouve donc plus des comptes rendus des ouvrages modernes.
Mais si votre éditeur est de cette opinion je pourrais annoncer votre Théorie de la Lumière sur l’enveloppe des Acta même. Cela ne serait peut-être pas mal surtout si l’annonce se trouve au tome où votre mémoire couronné est publié.
Madame Mittag-Leffler me charge de vous prier d’exprimer ses amitiés à Madame Poincaré.
Tout à vous
Mittag-Leffler
LS 2p. Mittag-Leffler Archives, Djursholm.
Time-stamp: "19.03.2015 01:53"
Références
- Leçons sur la théorie mathématique de la lumière. Georges Carré, Paris. Cited by: footnote 3.