5-2-12. H. Poincaré to Eugénie Launois
Stockholm, le 29 Août [1878].
Quand j’eus mis à la poste la lettre de Daimemora, je partis pour Österby qui est à un mille anglais de là ; j’étais à peine de retour que j’entends un grand remue ménage et je m’aperçois que la bonne était en train de dépouiller les chambres vides de leurs chaises au profit de la salle à manger. Le piano était tiré au milieu de la salle ; les chaises étaient rangées en colonnes serrée par demi-sections et les premiers rangs étaient déjà occupés. J’allai m’assoir et je ne tardai pas à voir entrer mon ami le capitaine Hammarskjöld qui m’explique qu’il s’agissait d’un concert donné par le professeur Byström et par Mlle Wollstedt. En effet le concert commença ; je t’envoie le programme. Les indigènes de Darmemora (?) ne prodiguaient pas les applaudissements aux exécutants, et même si le capitaine Hammarskjöld et moi n’avions pas fait les chefs de claque ; ils n’auraient pas été applaudis du tout. En revanche après chaque morceau toute la salle se levait et saluait gravement le professeur Byström (ancien capitaine d’artillerie, chevalier de l’ordre de l’épée, aujourd’hui pianiste). Après le concert, punch offert au professeur Byström, avec qui je fis connaissance présenté par le landlord ; un polyglotte accompli ce landlord, il parlait français, allemand, anglais et italien. Le lendemain matin je me mis en routepour Stockholm où j’arrivai à 4 heures ; inutile de te dire que la route ne presenta aucun incident. En arrivant ici grande frayeur. Le 15 j’avais reçu la lettre de papa disant si ta prochaine lettre n’indique pas que tu as pris des dispositions pour me recevoir, je partirai pas. - Comme ma prochaine lettre n’indiquait rien de semblable, je partis, disant de me renvoyer les lettres à [1 nom illisible] ; on ne me renvoya rien du tout - En arrivant ici je trouve le télégramme ; je me dis, oh Mon Dieu, ma prochaine lettre indiquait donc que j’avais pris des dispositions - papa m’aura cherché sans me trouver. Heureusement il n’en était rien. Je trouvai aussi les lettres du 16 et du 18. Je m’habillai et allai faire visite à Mme Thiébaut ; j’espérais y avoir des nouvelles de Balthasar et trouver la lettre que d’après la dépêche je devais trouver au consulat français (sic) je n’eus ni l’un ni l’autre. Balthasar et le petit George n’ont donné ni l’un ni l’autre signe de vie depuis leur départ - et la lettre dont parle la depeche était celle que j’ai reçue le 15. Je dînai avec la famille Thiébaut et après le dîner, nous allâmes au café Blanch où on jouait de la musique - Nous y étions depuis quelques temps quand un jeune secrétaire de la légation vient s’asseoir à côté de nous. - Après lui, vinrent deux jeunes gens : Kreitmann, officier du génie français qui revient d’une mission au Japon par le chemin des écoliers et Craes de Grill, officier du génie suédois ; Mme Thiébautnous présenta l’un à l’autre : M. Kreitmann, capitaine du génie - M. Poincaré, élève ingénieur des mies - Tu es en mission en Suède, est-ce que tu voyages seul etc - Profondes marques d’étonnement chez Mlle Désirée. Je ne tardai pas de plus à découvrir que Craes de Grill était un jeune officier du génie pour qui j’avais une lettre de Rolland. Je rentrai hier soir avec eux, après avoir pris congé de ces dames. Quelques explications - un reporter carabinieroïdes est un reporter qui ressemble aux carabiniers de la Fable, la sécurité des foyers, qui par un singulier hasard, au secours des particuliers arrivent toujours trop tard - Comment le télégramme adressé hôtel Rydberg est-il allé d’abord au consulat française ? Quelle est la date de la dernière lettre de Christiania que je me rende compte si je n’en ai pas perdu. Je ne sais pas combien de temps je dois rester ici ; car j’ai absolument besoin de revoir Balthasar.
AL 3p. Collection privée Paris.
Last edit: 8.05.2016