2-36. Henry Le Chatelier

Henry Le Chatelier (1850–1936) fait ses études à l’École polytechnique (1869), où il entre au premier rang, et à l’École des mines de Paris. Il fréquente le laboratoire d’Henri Sainte-Claire Deville à l’École normale supérieure, et les cours de Joseph Bertrand et Étienne-Jules Marey au Collège de France. A partir de 1877, il enseigne la chimie à l’École des mines, où il aurait pu croiser l’étudiant Poincaré. Le Chatelier obtient son doctorat à la Sorbonne en 1887, et la même année il occupe la nouvelle chaire de chimie industrielle à l’École des mines. En 1898 il est nommé à la chaire de chimie minérale au Collège de France, qu’il quitte en 1907 pour succéder à Henri Moissan à la chaire de chimie générale à la Sorbonne. Il devient aussi membre de la section de chimie à l’Académie des sciences en 1907 (Académie des sciences 1968, 326).

S’il effectue des travaux importants en recherche fondamentale (étude des équilibres dans les réactions chimiques d’où est issu le principe qui porte son nom, étude en thermodynamique des systèmes réversibles de J. W. Gibbs) il oriente ses recherches vers les applications industrielles. Il fonde en 1904 la Revue de métallurgie, qui met en avant une science attentive aux besoins de l’industrie, et participe à de nombreuses commissions mises en place par le gouvernement sur les questions scientifiques et industrielles. A la Sorbonne, avec Paul Janet (1863–1937) et Albin Haller, Le Chatelier promeut une science appliquée, ouverte à l’industrie et la commerce.11 1 Sur la carrière de Le Chatelier, voir le DSB et Michel Letté (2004). A propos de l’institutionnalisation des sciences appliquées en France dans cette période, voir Paul (1985), M.-J. Nye (1986), et Grelon (1990).

La correspondance transcrite dans ce volume concerne les travaux d’une de ces commissions : la Commission scientifique d’étude des poudres de guerre. Suite à l’explosion du cuirassé Iéna le 12.03.1907, le président Fallières crée cette commission mixte par décret du 06.04.1907, sur proposition conjointe des ministres de la Guerre et de la Marine. Alors qu’Élie Mascart remplace Marcelin Berthelot à la présidence de la commission des substances explosives, la présidence de la nouvelle commission des poudres est confiée à Poincaré. Sous sa présidence, les travaux dirigés par la commission aboutissent en 1910 au remplacement du stabilisant utilisé dans la poudre B, mise au point par Paul Vieille en 1881.22 2 Mémorial des poudres et salpêtres 14, 1907–1908, 204.

Comme l’observe Patrice Bret, cet échange éclaire les problèmes de la recherche militaire française à l’époque de l’Entente cordiale et au lendemain de la crise franco-allemande de Tanger : le blocage consécutif à une avance précoce et induit par la position inébranlable des spécialistes (Marcelin Berthelot et Paul Vieille), la guerre que se livraient alors les laboratoires militaires et les différents services et armes (Poudres et salpêtres, Artillerie, Marine), l’influence des “marchands de canon” (qui conduit Le Chatelier à démissionner avec fracas), la nécessité de recourir à des savants et des laboratoires civils.33 3 P. Bret, “La guerre des laboratoires : Le Chatelier, Poincaré et la Commission scientifique d’étude des poudres de guerre (1907–1908),” communication au 127e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Nancy, le 15.04.2002.

Time-stamp: " 2.09.2017 00:15"

Références

  • Académie des sciences de Paris (Ed.) (1968) Index biographique des membres et correspondants de l’Académie des sciences. Gauthier-Villars, Paris. Cited by: 2-36. Henry Le Chatelier.
  • A. Grelon (1990) Formation et développement des élites techniques et commerciales en France, sous la Troisième République. In Frankreich und Deutschland: Forschung, Technologie und industrielle Entwicklung im 19. und 20. Jahrhundert, Y. Cohen and K. Manfrass (Eds.), pp. 39–52. Cited by: footnote 1.
  • M. Letté (2004) Henry Le Chatelier (1850–1936) : ou la science appliquée à l’industrie. Presses universitaires de Rennes, Rennes. Cited by: footnote 1.
  • M. J. Nye (1986) Science in the Provinces. University of California Press, Berkeley. Cited by: footnote 1.
  • H. W. Paul (1985) From Knowledge to Power: The Rise of the Science Empire in France, 1860–1939. Cambridge University Press, Cambridge. Cited by: footnote 1.