2-9-21. René Blondlot to H. Poincaré

Nancy 28 Décembre 190311 1 A cette lettre est jointe une feuille où figurent deux plaques photographiques mal conservées, annotées par la main de Blondlot : “les rayons n provenaient d’un bec Auer”.

Mon Cher ami,

J’ai fait mettre à la poste à votre adresse 3 clichés accompagnés d’explications et montrant les actions des rayons sur une étincelle de la lampe Nernst et de l’acier; le cliché sans rayon n, & sur lequel les images sont égales a été plus développé que les autres, afin de s’assurer qu’une différence ne naîtrait pas par la prolongation du développement; cela n’a pas eu lieu.

D’autres clichés montrent que l’action des larmes bataviques est à peu près pareille à celle de l’acier trempé.

Je me sers d’un appareil à va-et-vient très simple, qui permet de croiser les expériences sur les deux moitiés de la plaque de 5 en 5 secondes, l’une des moitiés recevant toujours la lumière de l’étincelle soumise aux rayons n, et l’autre moitié recevant toujours la lumière de l’étincelle soustraite aux rayons n par un écran.22 2 Blondlot (1904) contient une description détaillée de l’appareil, avec clichés.

Les expériences, au nombre de 16, que j’ai faites avec cet appareil, ont toutes donné les résultats prévus : égalité ou inégalité des images dans le sens attendu.

Ne vous préoccupez pas de me retourner ces clichés, car j’en obtiens autant que je veux et à coup sûr; une expérience complète exige moins d’un quart d’heure.

Je joins à mon envoi un carton portant une fente garnie de sulfure et une petite quantité de sulfure, pour varier les expériences, si vous le désirez.

Voici les réponses que je puis faire à vos questions.

Une intensité médiocre de la phosphorescence semble préférable.

La larme (ou l’acier) doit être approchée à quelques centimètres; son action devient insensible à un mètre; on peut aussi la cacher dans la main, en ayant soin de ne pas contracter les muscles, ou mieux la mettre derrière soi. Se méfier de l’action sur l’œil lui-même, laquelle peut tromper.

L’action se produit et cesse en quelques secondes; beaucoup de personnes voient mieux la cessation que l’établissement de l’action.

Le cadran que je vous ai envoyé étant, à ce que je crois, du zinc, la larme n’agirait pas par derrière; il n’en est pas de même pour la fente, remplie de sulfure. Ce cadran m’a été donné par un chef de travaux de l’École de pharmacie, qui s’en était servi pour répéter mes expériences, qu’il voyait du reste aisément.33 3 La ville de Nancy accueille l’École supérieure de pharmacie de Strasbourg en 1872, suite à l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Allemagne.

J’ai plusieurs fois essayé des expériences avec un écran percé, comme celle que vous m’indiquez; je n’ai jamais réussi. Je pense que cela tient à la propagation de la phosphorescence observée par Ed. Becquerel, et aussi à l’action mutuelle des portions de la substance phosphorescente, qui s’envoient des rayons n.44 4 Edmond Becquerel, père d’Henri Becquerel, présente ses recherches sur la phosphorescence dans E. Becquerel (1867).

Il importe de ne faire aucun effort d’accomodation, ni de fixation, de regarder d’un œil distrait et sans accomoder aucunement si on le peut (comme les peintres impressionnistes), et même de tenir la tête dans un léger mouvement continuel et irrégulier.

Bien cordialement à vous.

R. Blondlot

(Encore une Note d’un physicien allemand, Zahn, qui n’a rien vu !)55 5 H. Zahn, physicien à l’Université de Kiel.

ALS 4p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 3.09.2016 13:04"

Références

  • E. Becquerel (1867) La lumière, ses causes et ses effets, Volume 1 : Sources de la lumière. Firmin Didot, Paris. External Links: Link Cited by: footnote 4.
  • R. Blondlot (1904) Enregistrement, au moyen de la photographie, de l’action produite par les rayons N sur une petite étincelle électrique. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 138, pp. 453–457. External Links: Link Cited by: footnote 2.