5-2-11. H. Poincaré to Eugénie Launois
[27-28 Mai 1874] Jeudi
Ma chère maman,
Je suis sorti hier ; les Rinck devant faire je ne sais quoi avec les Darboy, ce dont j’avais été prévenu officiellement la veille, je n’ai pas été chez eux ; j’ai commencé par aller chez Madame Vallet que je n’ai pas trouvée puis je suis retourné aux Alsaciens-Lorrains où j’ai successivement trouvé deux cocons et perdu l’un d’eux. J’ai été ensuite à la musique ai Palais-Royal et j’ai fini par y dîner. Je parlerai donc à Mauger. Je ne comprends pas l’histoire de Mme Masson. On a rencontré hier Élie entre les deux demoiselles Darboy et le bruit s’est répandu dans la salle [11 ?] qu’on avait vu Mlle [Matuszinska ?] sur les grands bouls. Quant au porte-cigares ; Élie m’a dit qu’il l’avait trouvé charmant, mais qu’il avait peur de le casser. Alors je lui ai offert de le changer ; seulement nous nous reverrons pas avant mercredi.
J’ai eu 18 en stéréo ; mais c’était un mauvais colleur. Nous ne sommes pas sortis le lundi de la Pentecôte. Voici les différentes péripéties de la lutte. Le géné trouvant que nous avions de trop mauvaises notes avait imaginé l’ingénieux système suivant : de consigner les types qui avaient de mauvaises notes et de leur faire faire l’amphi le dimanche par les professeurs ou les colleurs. Naturellement les professeurs ne se soucient nullement de faire l’amphi à 4 types qui seraient en train de poincarer à qui mieux mieux (nouveau verbe introduit depuis hier dans le dictionnaire de l’Académie de la salle 11 pour signifier piquer des étrangères).Aussi recalèrent-ils le géné. De là [mot ill.] 1ère recalade de la sortie ; nous allons retrouver les pitaines qui, pour ne pas donner à la démarche un air collectif, ne donnent le permis qu’à Badoureau et que pour chez le colo. Badoureau va chez Bonnet qui lui dit qu’il n’y voit pas d’inconvénients pour les études ; puis chez le colo qui le reçoit très bien, lui dit qu’il n’est pas d’avis de laisser sortir et lui donne le permis pour aller chez le géné. Arrivé chez le géné ; pas de géné. Il attend pendant quelque temps ; à la fin arrive la fille du géné, en amazone. Badoureau lui fait un gracieux salut et elle répond par un salut non moins gracieux. Elle passe ensuite dans une chambre à côté. Arrive ensuite le géné en personne et la conversation s’engage en ces termes : Qu’est-ce que vous f. là. — Mais, mon général je suis ici avec la permission du colonel — Qu’est-ce que ça me f. à moi — Mais, mon général, je venais pour la sor. — Qui est-ce qui m’en f. des sorties. — Mais, mon général, mes camarades… Qu’est-ce qu’ils me f. à moi, vos camarades — M. Bonnet pensait qu’il n’y aurait pas d’inconvénients — Qu’est-ce qu’il me f. cet animal là. Il me dit toujours de ne pas vous donner de congés. Je m’en vais le faire monter. D’ailleurs il n’y a que moi qui fais mon devoir ici ; vos professeurs, vos répétiteurs ne sont qu’un tas de fainéants. D’ailleurs qu’est-ce que vous f. ici vous ; Allons f. moi le camp. La première chose que j’ai faite, c’est d’aller raconter l’histoire aux gogs où le fils de Joseph était en train de griller une sèche. J’aime à croire que Badoureau en aura fait autant directement ou indirectement à l’égard du fils de Résal et du fils de cet animal là. Du reste le géné a fait monter cet animal là et il resté chez lui, j’en suis témoin, de 2 h à 3 h 25. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit.
Là dessus la salle 4 a proposé un chahut de bourets qui a été voté par chez nous par 130 voix contre 90 ; mais contre lequel les anciens ont voté en masse, excepté la salle des [mot ill.], la salle 42, dont tu connais particulièrement un des membres les plus fougueux.
Ne raconte pas toutes ces histoires là.
AL 3p. En-tête de l’École Polytechnique. Collection particulière, 75017 Paris.
Last edit: 8.05.2016