François Evellin to H. Poincaré

Paris, 1er juin 1881

Bien cher Monsieur,

J’ai lu vos notes avec un extrême intérêt, et j’aurais voulu vous envoyer, toute affaire cessante, mes réflexions, n’étaient les congés de la Pentecôte et un voyage obligé en Bretagne qui m’imposent, en dépit de ma bonne volonté, un délai que q. q. jours.

Je suis très frappé de l’accord de deux esprits aussi différents que MM. Boussinesq et M Bertrand sur la discontinuité nécessaire de l’espace dans l’absolu. Pourriez-vous me dire dans quel recueil et à quelle date je trouverais cette discussion ? Quant à l’entretien de M. Boussinesq, c’est, à mon sens, la plus chimérique qu’on puisse concevoir. Je n’ai jamais pu comprendre qu’en cherchât à régler un absolu q. conque sur le système relatif ; les état de pure indifférence qui répondent aux solutions en question n’ont [de raison d’être que dans l’esprit qui a commencé de faire ?] abstraction de tous les accidents.

Au fait, je serai on ne peu plus curieux de rechercher comment et dans quelle mesure, MM. Bertrand et Boussinesq laissent [pencher ?] la continuité dans leurs spéculations sur l’espace supposé discontinu.

Vous trouverez bien cher et honoré Monsieur une critique de mes idées dans la revue de MM. Renouvier et Pillon. M. Renouvier m’a promis 4 articles et passera en revue toutes mes affirmations sur les incommensurables, les infiniment petits. Je crois savoir que son point de vue est le vôtre, celui du relatif et de l’infini purement virtuel ; je me félicite de toutes mes forces de l’attention qu’un esprit aussi pénétrant et aussi fort que celui de M. Renouvier a bien voulu porter à mon travail ; je pense d’autre part qu’il me sera permis, ici ou là de présenter le défense d’une doctrine qui de plus en plus me paraît la seule légitime (métaphysique) c. à d. au point de vue de l’ensemble des sciences.

Dès que je serai de retour vers le 9 ou le 10, je me mettrai à relire vos notes ; et je continuerai, dansla mesure de mes forces et de mon temps, si vous voulez bien le permettre, le commentaire que j’ai entrepris.

Vous venez de faire, bien cher Monsieur, un voyage charmant. Je pense que vous avez fait provision non seulement de souvenirs mais aussi de force et de santé, bien que vous avez dû rencontrer les grandes chaleurs dès le mois d’Avril, [3 mots ill.]. Agréez, bien cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments bien sympathiques et de ma sincère amitié.

F. Évellin.
27 rue des Feuillantines à Paris

PS
J’ai résumé toutes vos notes. Mon commentaire pourra donc continuer facilement. À première vue je vous trouve un peu trop juste milieu entre les géomètres et les métagéomètres. Il faut compte [ce semble ?] quand même avec [dass gegeben ?]. Mais rien n’est plus ingénieux que la série des conditions (si abstraites) qui donneraient naissance aux diverses conceptions de l’espace. Là je puis vous suivre sur ce terrain. Je vous exposerai très candidement très naïvement ma façon de penser.

ALS 4p. Collection particulière, 75017 Paris.

Last edit: 28.09.2014