3-10-2. Carl Vilhelm Ludwig Charlier to H. Poincaré
Lund Mai 10 1899
À M. H. Poincaré — Membre de l’Institut — Paris
Cher Monsieur !
Les solutions particulières du problème des trois corps dans le plan, pour lesquelles les excentricités des orbites intermédiaires sont nulles, sont susceptibles d’être réduites à une simple quadrature.11 1 Le problème étudié par Charlier est une simplification de celui étudié par Poincaré dans lequel deux masses planétaires se meuvent autour du corps central dans un même plan, les excentricités restant très petites. L’étude de ce problème donne lieu aux solutions périodiques de première sorte (Poincaré 1884, 68).
Soient en effet22 2 Comme d’habitude, désigne le demi-grand axe de la trajectoire elliptique, son excentricité.
donc on a pour le mouvement dans un plan les équations :
où la valeur de la constante dépend du choix des coordonnées.
La fonction peut être développée dans une série d’après les puissances des excentricités des orbites intermédiaires, soit
Le problème est à trouver des solutions particulières des équations (A), pour lesquelles33 3 Charlier étudie le problème des trois corps dans le cas où les orbites intermédiaires sont des cercles.
Quelque soit le choix des coordonnées, est une fonction seulement de , et de la différence des longitudes des deux masses, c’est-à-dire de .
Pour des valeurs évanouissantes des excentricités on a
et comme
on a l’intégrale
(1) |
En posant
on peut donc exprimer en fonction seulement de et .
Les équations différentielles de och de 44 4 En français : “de et de ”. sont d’une forme canonique.55 5 Variante: À cet endroit, un passage rayé reprend presque terme pour terme le début du raisonnement précédent : “On a et d’après la forme de on a On a donc où est une constante d’intégration.”
On obtient
Mais
On a donc pour
et
D’autre part
et les équations différentielles de et sont
(2) |
De ces équations on connaît l’intégrale de la force vive
et les éléments et sont donc déterminés par une simple quadrature.
La discussion de la formule devient très simple si l’on se sert
de la transformation , que vous avez envisagée dans le
“Bulletin astronomique” pour l’an 1897.66
6
Poincaré
(1897)
étudie différents changements de variables dans les équations du problème des trois
corps. Il note par , , les trois corps et par ,
, les
coordonnées de , par , , celles de et par
, , celles de . Comme à l’accoutumée, Poincaré désigne
indifféremment par , , la masse de , par ,
,
celle de et par , , celle du troisième corps . En
notant le lagrangien du système et en posant
les équations du problème s’écrivent sous forme canonique :
Une condition nécessaire et suffisante pour qu’un changement de
variables conserve la forme de ces équations est
Poincaré montre que l’on peut aussi caractériser parmi ces changements
de variables ceux qui ne modifient pas la forme de l’équation des
aires. Il donne des exemples de tels changements de variable et
introduit le changement de variables qu’il dénote “changement ”:
“Ce changement de variables”, explique Poincaré, “a une signification
géométrique très simple”:
Les variables nouvelles
, , , sont les
coordonnées relatives des points et par rapport à des
axes mobiles passant par le point .
Les variables
, , ,
sont les composantes des vitesses absolues de
ces deux points et . (Poincaré,
1897, 56)
Poincaré rappelle ensuite le changement de variables introduit par
Radau (1868)
qu’il propose d’appeler “le changement ”. Il montre que ce changement conserve
la forme de l’équation des forces vives ; ce changement de variables
consiste à désigner par , , les coordonnées du centre
de gravité du système et par , , celles du centre
de gravité des corps et , puis à poser
“de telle sorte que , , soient les coordonnées du
point par rapport à des axes mobiles passant par le point ; et
celles du point par rapport à des axes mobiles
passant par le point ” (Poincaré 1897, 57–58).
Un intérêt supplémentaire des changements et
est qu’ils permettent tous les deux d’abaisser le nombre de
degré de liberté de à .
Poincaré évoque alors le changement de variables le plus utilisé par
les astronomes qu’il appelle le changement et dont il
signale que ses “propriétés sont loin d’être aussi
élégantes” que celles des changements et
puisque le changement ne conserve “ni la forme
canonique des équations, ni la forme des intégrales des aires”
(Poincaré
1897, 59).
De plus, si l’on utilise les changements de variables et
, l’intersection des plans des orbites des corps et
reste dans le plan invariable (élimination des nœuds) :
Il semble que tous ces avantages auraient dû faire substituer le
changement au changement . Si on ne l’a pas
fait, c’est sans doute parce que le développement de la fonction
perturbatrice est un peu plus compliqué dans l’hypothèse
. C’est pour cette raison que je crois devoir attirer
l’attention sur le changement qui n’a pas encore été
proposé, qui n’altère ni la forme canonique des équations, ni
la forme des intégrales des aires et qui conduit à un
développement de la fonction perturbatrice tout aussi simple que
le changement . (Poincaré,
1897, 61)
Avec une haute considération — votre
C. V. L. Charlier
P.S. Les équations différentielles pour les perturbations
séculaires dans le mouvement plan peuvent être traitées de la même
manière. Ce que vous avez démontré vous même dans le N° 192 de vos
“Méthodes nouvelles.”77
7
Poincaré
(1893, §192)
propose une modification de la
méthode d’approximations successives pour l’équation (de l’évection)
où est un coefficient très petit, est une
fonction connue de et de dont les termes sont tous de la forme
L’objectif est d’obtenir des développements trigonométriques des
solutions sans introduire de terme séculaire. Poincaré obtient deux
conditions pour lesquelles on a l’alternative :
Ou bien le problème proposé est impossible ;
Ou bien nos conditions doivent être remplies d’elles-mêmes. (Poincaré
1893, §192)
Afin de montrer que le problème est possible
lorsque le lagrangien est périodique par rapport aux variables ,
Poincaré (1893, §193)
utilise des techniques analogues à celles employées par
Charlier dans sa lettre.
Peut-être que vous avez démontré aussi la
même chose pour les solutions périodiques d’ordre nul par rapport aux
excentricités, quoique je ne l’ai pu trouver.
ALS 5p. Collection particulière, Paris 75017.
Time-stamp: "27.01.2016 01:24"
Références
- Sur certaines solutions particulières du problème des trois corps. Bulletin astronomique 1, pp. 65–74. External Links: Link Cited by: footnote 1.
- Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 2. Gauthier-Villars, Paris. External Links: Link Cited by: footnote 7.
- Sur une forme nouvelle des équations du problème des trois corps. Bulletin astronomique 14, pp. 53–67. External Links: Link Cited by: footnote 6.
- Sur une transformation des équations différentielles de la dynamique. Annales scientifiques de l’École normale supérieure 5, pp. 311–375. External Links: Link Cited by: footnote 6.