5-2-7. H. Poincaré to Eugénie Launois

[Août 1874]

Ma chère maman,

Je t’avais dit que je te raconterais ma sortie de dimanche. J’ai été à Versailles, comme c’était convenu. J’ai voyagé avec des X, et l’on a discuté de la grave question de savoir ce qu’on arracherait aux conscrards qui n’auront pas de police. J’ai vu à Versailles un chef d’escadron du 22e, M de Grandchamp, qui est un très chic type. Nous sommes restés quelque temps dans le jardin ; en demi-fumistesi ; M. de Grandchamp et M. Berger causaient de l’affaire Bazaine ; le tout était entremêlé de chut parce que [Cyrey ?] demeure à côté. Ensuite nous avons été au parc où nous avons vu des amphis de tilleurs et de tilleuses. M. Berger m’a conduit au Jardin du Roi et au Bosquet d’Apollon. Après dîner je me suis aperçu qu’il était trop tard pour arriver pour le train de la rive gauche. Heureusement nous avions jusqu’à 10 h 12. J’ai donc pris le train de la rive droite et je suis arrivé à 10 h à St Lazare. Malheureusement je suis tombé sur un cheval impossible et j’ai mis 39 minutes. J’ai donc eu consigne.

J’ai eu 20 hier en Méca.

L’affaire des zincs, dont je t’ai raconté les débuts, s’est  continuée pendant 3 jours avec les mêmes péripéties et finalement on a abouti à la solution suivante que nous considérons comme une victoire éclatante. Les zincs sont autorisés et il y a consigne générale. Seulement, ce qui m’ennuie, c’est qu’Alfred Daubrée m’a donné rendez-vous ce soir devant Callot, et qu’il a recommencé le Dreyfuss (four) de M. Viellard en ne me donnant pas son adresse. Nous allons nous procurer un bouquin quelconque que nous lirons ce soir en choeur. Les anciens nous ont voté 32 bocaux pour notre belle conduite. Il circule en ce moment un topo rond contre ceux qui ont calé.

Il faut que je te raconte le coup du jeune-homme-très-bien. Le géné à dit à Badoureau : Les conscrits ne font absolument rien ; il y a même des jeunes très bien qui ont de très mauvaises notes, MM Ducros, Daru, [Lambrecht ?]. Or dimanche, ces trois jeunes gens étaient consignés et trouvaient particulièrement hum désagréable d’être rat de Derby. Lambrecht ne fit ni une ni deux et alla demander au géné de permettre à ceux qui n’avaient qu’une consigne de sortir à 12 h 12. Le géné ne fit pas de difficulté. Or est-ce que Badoureau n’a pas eu le toupet d’aller demander au colo de faire lever les consignes et de lui dire qu’en rapprochant ce fait d’une phrase très malheureuse du général, on pourrait soupçonner la faveur qu’il avait accordée de n’être pas due seulement à sa générosité pour les élèves.

AL 2p. En-tête de l’École Polytechnique. Collection particulière, 75017 Paris.

Last edit: 8.05.2016