5-2-4. H. Poincaré to Eugénie Launois

Jeudi [13 novembre 1873]

Ma bonne maman,

Je ne t’ai pas écrit depuis lundi et depuis j’ai fait des choses qui n’auront peut-être pas ton approbation ; mais je ne les regrette pas parce que je ne pouvais faire autrement ; d’abord lundi soir j’ai raconté à ma salle mes affaires avec Ruault, et nous lui avons renvoyé ses 3 frs 40 en lui écrivant une lettre qui se terminait par ces mots : Timeo Davaos et [dona ferentes]. Il me répondit le soir  même : Mon cher camarade, tu ne saurais croire quelle pénible impression j’ai ressentie etc. Ton camarade Ruault. Nous lui répondîmes immédiatement en lui exposant les motifs de nos soupçons et cherchant à lui faire sentir combien était grave et intempestive son infraction au code X. Enfin, à la demande de Badoureau, je fis passer chez les anciens un topo où je racontais ce qui s’était passé en parlant même à termes couverts des démarches de Mlle Clémence et de Xardel. Ce topo eut un succès fou. Enfin le rond a été voté pour Ruault par 160 voix sur 214 électeurs inscrits et pour un autre jésuite à une majorité un peu moindre. Benoît a voté contre. Le rond aura lieu aujourd’hui à 4 h 12. Il paraît que les  jésuites sont décidés à l’accepter. On a affiché ce matin un topo à la planche topo des anciens et qui disait : voici, d’après un des assistants ce qui s’est passé hier rue Lhomond. Les jésuites acceptent le rond en principe. On a débité des calomnies sur Point-carré ; mais elles ont eu peu d’écho, paraît-il. Ils reconnaissent donc leur ignoble conduite. Je n’ai pas besoin, je pense, de te recommander le plus grand secret sur tout cela. Il paraît qu’Aline avait parlé à quelqu’un de l’affaire des serpents.

Je passerai probablement ma première colle après demain.

J’ai reçu ta lettre ce matin ; tiens moi toujours au courant de l’oncle Adrien.

J’embrasse tout le monde.

Henri

ALS 3p. Collection particulière, 75017 Paris.

Last edit: 8.05.2016